mardi, janvier 03, 2006

L'inscription sur les listes électorales séduit les "quartiers"


[DEBUT]
C'est jour d'affluence, mardi 27 décembre, à la mairie de Nanterre (Hauts-de-Seine). Kamel, Noria, Mohamed, Tida, Malik et Zina ne se connaissent pas, mais ils sont tous venus ce jour-là pour la même raison : faire entendre leur voix lors des prochaines élections. Alors, comme la cinquantaine de jeunes qui se présentent chaque jour depuis début décembre, ils demandent aux services de la mairie de les inscrire sur les listes électorales.

Ce n'est pas l'appel des stars françaises du foot, du cinéma ou du rap, parrainé par le footballeur Lilian Thuram ou l'acteur Jamel Debbouze, qui a motivé ces jeunes issus des "quartiers" de Nanterre à se déplacer jusqu'à la mairie. C'est simplement la crise des banlieues, la "rage" qui s'est exprimée à ce moment-là et les mots qui ont été prononcés par certains hommes politiques. Zina, 21 ans, résume leurs certitudes : pour l'élection présidentielle, "en 2007, c'est ni Le Pen ni Sarko." "Je ne vais pas laisser ma voix à quelqu'un d'autre", affirme Malik. "On est français avant tout", renchérit Tida.

Kamel, 19 ans, s'est déplacé pour rien. Comme la plupart des Français de moins de 24 ans, il a bénéficié de la loi de 1997 qui prévoit que les jeunes recensés à l'âge de 16 ans, à l'occasion de la journée d'appel de préparation à la défense, bénéficient d'une inscription d'office dans leur mairie de résidence. Kamel n'a pas déménagé, il est donc bien inscrit à Nanterre. Tant pis, au moins il est sûr de pouvoir voter en 2007 "contre Le Pen et contre Sarko, qui nous a traités de racailles".
Mohamed est plus indulgent avec le ministre de l'intérieur. Certes, lui aussi, il a été "choqué" par ses propos. "Moi, quand j'utilise le Karcher, c'est pour enlever la saleté et ça me choque qu'on veuille nous décrasser", déplore-t-il. Mais il estime que "Sarkozy a été courageux d'aller à Clichy à la rencontre des habitants" ou encore que "la violence appelle la violence". Sans le mouvement de novembre, Mohamed serait de toute façon venu s'inscrire. A 26 ans, d'origine marocaine, il vient enfin d'obtenir la nationalité française. "Et je veux faire le max pour faire partie de cette citoyenneté, affirme-t-il. En plus, j'ai parfois le sentiment, quand on me demande mes papiers, que ma carte d'identité ne suffit pas. A la mairie où je travaille, ils m'ont demandé si j'avais ma carte d'électeur."

Noria, 21 ans, prépare un BTS en alternance. Elle est venue s'inscrire "parce que j'ai des frères et que j'ai compris leur colère". Mais, en réalité, cela faisait quelques mois déjà que l'envie de voter la démangeait. Depuis la consultation sur le traité constitutionnel européen, le 29 mai 2005. "J'ai regretté le référendum", explique-t-elle. Le résultat ? "Non, le fait de ne pas avoir pu ajouter mon "non" aux autres."

A 21 ans, Rachid a été traîné par son copain Malik, du même âge. Ce dernier s'explique : "C'est important de voter, pour répondre aux insultes et pour leur dire notre rage." Rachid sort alors de son silence : "C'est des conneries. Moi si je viens, c'est pas pour voter en 2007, c'est parce que si on se fait contrôler, c'est mieux ! Ma carte d'électeur, je la donnerai au prochain flic ou CRS qui m'interpellera."

Tida, elle, croit encore à la force de son bulletin de vote. Elle pense également que le contrat d'accompagnement vers l'emploi (CAE) qu'elle a signé dans un collège, le 1er décembre, elle le doit "à la crise des banlieues et aux réponses de Villepin". "Ça fait trois ans que j'ai arrêté l'école et là, ça y est, j'ai un vrai contrat d'un an avec une formation. C'est pour ça aussi que j'irai voter." Pour le premier ministre ? "Pourquoi pas, il a proposé des choses bien, c'est le contraire de Sarkozy qui incite à encore plus de violence", ajoute-t-elle.

Tida n'est pas la seule à établir une différence entre le chef du gouvernement et son ministre de l'intérieur. "Villepin, Sarko, c'est pas pareil, explique Zina : Villepin, c'est un homme de droite qui fait un peu une politique de gauche, Sarkozy, c'est un homme de droite qui fait une politique d'extrême droite."

Rien ne permet encore à la gauche de penser qu'elle profitera de cette mobilisation des banlieues. Jean-Pierre Campos, le maire adjoint (PCF) de Nanterre chargé des affaires générales, croit pour sa part que cette mobilisation citoyenne, qui a déjà permis de pulvériser le chiffre des 2 178 inscrits enregistrés en 2004, "évitera que se renouvelle l'expérience de mai 2002 avec la droite et l'extrême droite au deuxième tour". "On avait déjà enregistré une mobilisation des jeunes et des moins jeunes en 2002 pour s'inscrire sur les listes et je pense que la mobilisation actuelle est un nouveau signe", affirme-t-il. Il sera même là le samedi 31 décembre, dans l'après-midi, pour accueillir et féliciter les derniers inscrits de l'année.

Zina est plus sceptique que l'élu communiste : "A gauche, on attend toujours de savoir ce qu'ils proposent pour nous." Noria pense la même chose : "Je ne les ai pas entendus pendant les violences dans les banlieues. J'attends de voir."
[FIN]

[SOURCE]
Christophe Jakubyszyn
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3224,36-725191@51-723037,0.html

[SAM]
Chapeau bas...

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